Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Petites histoires d'une TaGaDa Des Bois

19 mars 2012

C'est la vie !

Tout s’était passé très vite, L'autre n'avait pas respecté le « céder le passage ». Le choc avait été brutal. Son airbag s’était déclenché mais cela n'avait pas suffi. Emilie avait été propulsée contre l’immense bulle d’air de façon bien trop abrupte.

Dans une demi-inconscience elle entendait à peine les cris et les pleurs des passants et des autres automobilistes ni ne remarquait leurs regards affolés. Une odeur d'essence flottait dans l'air, lui piquant les narines et la fumée la faisait tousser. Malgré tout, elle était fascinée par les reflets des flammes naissantes sur la carrosserie. Des couleurs orangées dignes des plus beaux couchers de soleil. Elle ne réalisait pas vraiment ce qui se passait autour d’elle. Elle avait l’impression de flotter, elle ne parvenait pas à réfléchir, ni même à comprendre la situation. Ses membres étaient engourdis, elle ne pouvait pas bouger.

Et elle se sentait si fatiguée, elle voulait se reposer, oui une bonne nuit de sommeil et cela irait mieux se disait-elle.

 

Le cri des sirènes caractéristiques semblait provenir de si loin. Un bref instant elle avait aperçu une silhouette, mais elle avait fermé les yeux avant de pouvoir entendre ses paroles, de voir son visage. Elle n’avait pas senti les mains la saisir pour l'extraire de cet enfer instable.

 

A l'hôpital ils étaient tous venus la voir. Son mari et ses deux meilleurs amis avec lesquels ils avaient si souvent l'habitude de trainer. Ils étaient tous ébranlés, ils s’étaient toujours dit que ce genre d’accident n’arrivait qu’aux autres et n’avaient jamais pensé en subir l’amère expérience.

 

Son mari était resté de longues heures à son chevet. Il avait apporté des fleurs car il savait combien elle les aimait. Une odeur de lys embaumait la chambre lui apportant un semblant de vie. Il serrait la main d’Emilie si fort qu’il en avait mal. Il avait besoin de la douleur pour ne pas se laisser totalement engloutir par le chagrin.

Il lui avait répété combien il l'aimait et avait besoin d'elle. Il avait pleuré jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de larmes, attendant un signe, une réponse, un espoir. L’odeur des lys lui tournait la tête, il tremblait nerveusement et ne se contrôlait plus, il se répétait inlassablement que c’était un cauchemar, qu’il allait se réveiller. Il avait prié, lui qui pourtant n’avais jamais cru, il avait supplié jusqu’à l’épuisement qu’on lui rende sa femme.

Une infirmière l’avait alors emmené dans une chambre à proximité avant qu’il ne sombre totalement.

 

Christophe était alors rentré dans la pièce. Il s’était assis à côté d'Emilie et l'avait contemplée. Malgré le masque à oxygène qui lui couvrait une partie du visage, il la trouvait belle, et ce depuis le jour de leur première rencontre. Son cœur s’était mis à battre rapidement et il avait laissé les souvenirs affluer au rythme des pulsations cardiaques qu’émettait l'écran à proximité. Il l'aimait. C'était la première fois qu’il pouvait enfin lui avouer ses sentiments. Les larmes coulaient sans qu’il ne puisse les retenir. Son cœur se serrait. Il tentait de retenir la souffrance qui l’assaillait. Elle était aussi son amie, une femme qu’il admirait pour sa fragilité, son intelligence et son satané caractère. Parfois douce et tant de fois intransigeante. Son esprit ne raisonnait plus normalement, il était ébranlé et en colère. Il maudissait l’auteur de l’accident, c’est lui qui aurait du mourir et souffrir et non Emilie. Dieu n’était pas juste, il était bien trop tôt pour elle, comment pouvait-il permettre ce genre de chose. Non, vraiment, la vie n’était pas juste. Il savait qu’Emilie n’aurait pas approuvée sa fureur, alors il l’avait embrassée brièvement sur le front et s’en était allé.

 

Louis avait prit le relais. Il s’était assis sur le lit et lui avait pris la main. Il l’avait réchauffée et n’avait put s'empêcher de lui caresser le front. Il s’était rarement senti aussi calme. La douleur l’avait anesthésié, il ne ressentait plus aucune émotion. Il avait la sensation de regarder au travers des yeux d’un autre le déroulement de cette tragédie. Il se laissait dériver, tel un bateau qui aurait cassé ses amarres.

Reverrait-il un jour ses yeux rêveurs ? Il était persuadé qu'ils cachaient bien des choses. Une part de sa personnalité que nul ne découvrirait jamais, pas même son mari.

Lui aussi l’avait désirée. Etait-ce une simple attirance physique ? Ils se ressemblaient tant tout les deux. Il regrettait aujourd’hui de n’avoir pas tenté  sa chance. Il était resté prostré pendant plusieurs heures sans aucune conscience du temps qui s’écoulait. Mentalement il revivait l’accident, espérait qu’elle n’avait pas souffert, que pouvait-il lui souhaiter de mieux ?

 

Aujourd'hui, Emilie est heureuse. Elle se promène à travers une vaste plaine avec des arbres centenaires. Elle avait souvent répété qu’elle souhaitait être enterrée au milieu de la nature.

Puis elle les a aperçus. Elle a sourit. Ils sont là tous les trois, encore plus soudés qu'auparavant en train de contempler la pierre grise portant son nom. Elle aurait tant aimé rester parmi eux, malgré tout leur vie devait continuer.

 

Publicité
Publicité
18 mars 2012

Rencontres nocturnes

Adela préférait la nuit au jour. Elle estimait que cette lumière accentuait l’absurdité du genre humain, alors que la nuit tout changeait. Plus besoin de se cacher derrière un masque, derrière du maquillage à outrance ou des escarpins trop hauts qui lui faisaient mal aux pieds. La nuit la cachait des autres regards. Elle enfilait son vieux jean déformé, des vieilles tennis presque trouées, un pull et c’était parti. Plus de souffrance dans l’apparence, elle se sentait bien ! Et elle marchait encore et encore, dans la nuit. Elle croisait souvent des chats dans les ruelles de sa petite ville du sud. Il paraît que la nuit, tous les chats sont gris. Mais Adela connaissait la vérité : non, la nuit tous les chats ne sont pas gris. Dicton mensonger, elle voyait bien que les pelages étaient tous différents.

Elle n’était pas inconsciente. Elle admettait volontiers l’existence des dangers que recelait cet obscur espace. Elle était aussi consciente que ce domaine ne pouvait lui appartenir totalement. Ah ! Si seulement la nuit pouvait toujours durer. Qu’elle serait bien !

Il paraît que la nuit est peuplée de créatures étranges. Mais vous y croyez vous à des lutins qui ne sortiraient que la nuit ? Soyons réaliste ! Ils préféreraient de loin nous faire des farces en plein jour afin de mieux voir notre désarroi. Ou alors, peut-être que les lutins de nuit sont des proscrits qui n’ont l’autorisation de ne jouer que dans l’obscurité ?  Alors qu’Adela, assise sur un banc réfléchissait à l’existence de tels lutins, penchant plus pour leur inexistence, une ombre vint la rejoindre.

Bizarrement elle n’avait pas peur malgré la silhouette imposante de l’autre anonyme. Tout comme elle, son visage était caché dans l’obscurité. Après un instant de silence, elle lui demanda ce qu’il pensait de ces fameux lutins.

L’inconnu lui affirma que les lutins de nuits étaient des petits crétins ayant renoncé au soleil par peur de l’agitation humaine.

Dommage, répondit Adela, je pensais que c’était par amour de la nuit. 

L’inconnu maugréa quelque chose d’incompréhensible. Et dans un grognement lui affirma que c’était tant pis pour eux et tant mieux pour les autres.

« Qui sont les autres ? » demanda Adela. L’anonyme se mit à rire, un rire grave ressemblant plus à un grondement dévoilant des crocs bien effrayants. Il ajouta qu’elle était belle à croquer dans sa naïveté.

Il se rapprocha d’elle et Adela crut déceler une odeur de chien mouillé.

« Petite » dit-il en levant une main bien velue pour un humain,  « En quoi cela t’intéresse-t-il puisque tu affirmais il y a quelques instants que les lutins de nuit n’existaient pas ? »  

L’inconnu se leva, le bois crissa, et toujours riant il la quitta, la laissant de nouveau seule sur son banc.

Cet anonyme avait réveillé de nouvelles interrogations.

Qui donc étaient les autres ? Peut être des chats gris. Avec leur vision nocturne, ils devaient sûrement repérer les lutins. Après tout, des chats gris, dans la nuit, ça ne se discernait pas si facilement.

Convaincue par son propre raisonnement, elle partit en quête des fameux félins dans les ténèbres. Combien de temps ? Impossible à dire puisque dans le domaine des étoiles, les heures du jour n’ont pas cours. L’obscurité ne donne pas l’heure et tant que dure la nuit, il ne fait pas jour. Allez demander l’heure à quelqu’un la nuit. Il ne distinguerait même pas sa montre de son poignet. C’est une idée stupide de demander l’heure la nuit, pensait souvent Adela.

Dans une ruelle, Adela distingua un mouvement. Puis deux yeux jaunes qui brillaient. Elle les étudia un instant et s’avança tout doucement, pensant avoir trouvé son chat.

« Petit chat gris, cette nuit, as-tu croqué des lutins de nuit ? »

 Les yeux se rapprochèrent. Ce n’était pas un petit chat. Ce nouvel inconnu avait la taille d’un petit enfant, il portait un manteau rouge, avec une grande capuche pointue.

Il lui demanda alors si elle trouvait vraiment qu’il ressemblait à un chat gris. Adela ne savait quoi répondre de peur de vexer son nouveau compagnon. Elle lui dit que dans la nuit, elle s’était trompé et se confondit en excuses.

Il lui fit signe de s’asseoir sur le sol. Il portait des chaussettes rouges aussi. La forme de ses pieds intrigua Adela.

Il lui demanda pourquoi elle cherchait des chats gris au milieu de l’obscurité. Elle lui répondit que c’était dans la nuit qu’on trouvait des lutins de nuit et des chats gris. Il lui dit alors que ces chats mangeaient vraiment n’importe quoi et qu’il ne recherchait pas leur compagnie. Ils n’ont pas le museau assez fin.

« Je ne peux pas répondre à tes questions » lui dit le chaperon rouge. « Seul un de ces chats couleur nuage pourrait t’apporter la réponse que tu cherches tant. Mais méfie-toi, la nuit, tous les chats sont gris. »

A peine eut-elle détourné le regard que le chaperon rouge disparut prestement dans l’obscurité gracieusement offerte, d’une façon certainement trop agile pour un enfant ordinaire. En effet, rares sont les enfants qui marchent à quatre pattes, qui ont une queue aussi touffue et qui sautent par-dessus les murets.

Bref Adela n’était pas plus avancée. Assurément, son précédent interlocuteur était bien plus intéressant. Elle se remit alors à marcher et arriva dans un grand parc avec des silhouettes pas très nettes.

« Peut-être des lutins de nuit », pensa-t-elle.

« Bienvenue », l’accueillit une voix fluette. La silhouette était grande, fine, féminine. Elle l’a pris par le bras et l’accompagna auprès des inconnus.

« Veux-tu jouer avec nous ? » proposa-t-elle. Adela répondit qu’elle ne connaissait pas le jeu. Les autres silhouettes se mirent à rire, un rire clair et chantant comme de l’eau. La jeune fille s’aperçut alors qu’elles étaient assises sur le rebord d’une fontaine. Impossible de distinguer le bas de leur corps. Mais aux clapotements qui résonnaient dans la nuit, elle devina qu’elles profitaient de la fraicheur de la source.

« Alors quel est ce jeu ? » demanda Adela. La jeune fille qui l’avait accueillit lui expliqua que pour gagner il fallait attraper le plus grand nombre de lutins de nuit.

Mais, s’étonna Adela, il n’y a que les chats gris qui peuvent attraper les lutins de nuit. 

 La jeune fille ouvrit de grands yeux et lui répondit que le propre des lutins de nuit était de sortir dans l’obscurité afin de faire des farces. Ils ne résistaient jamais à un  groupe d’inconnus quels qu’ils soient. Il suffisait d’attendre patiemment et au bout du compte elles parvenaient toujours à en attraper.

Qu’ils sont bêtes ces lutins, dit-elle, ils savent ce qu’ils risquent en venant, mais ils ne peuvent pas s’en empêcher. 

 « Quelle jolie voix », pensa Adela. Cet accent chantant était envoûtant. Finalement se dit-elle, ce sont les voix de ces sirènes qui attirent les petits lutins. Un reflet attira son œil, quelque chose d’argenté brillait dans l’eau de la fontaine, qui disparut aussitôt. Curieuse, elle scruta l’eau plus attentivement.

Elle leva la tête et s’aperçut qu’on la regardait bizarrement maintenant.

« A-t-elle vu ? » demanda l’une des inconnues.

«  Je l’ignore » répondit une autre.

« Que faisons-nous si elle a vu ? »

Adela retenait sa respiration, elle n’avait rien vu, juste entrevu. L’une des inconnues eut un mouvement rageur et Adela comprit. Elle était magnifique cette queue de poisson argentée. Elle brillait au clair de lune tel un bijou qui n’existerait que dans l’imagination nocturne.

La jeune fille qui l’avait accueilli lui posa une main sur l’épaule et lui dit alors de s’en aller. Adela s’apprêtait à se défendre, mais elle sentit le regard meurtrier des autres. Elle déglutit, elle aurait tant voulu attraper des lutins de nuit. Elle s’en alla, en jetant des coups d’œil prudents au cas où ses anciennes compagnes auraient finalement décidé d’une autre fin.

Jugeant qu’elle s’était suffisamment éloignée, Adela décida de repartir en quête.  

Néanmoins, elle commençait à fatiguer. Elle avisa un banc et décida de s’y reposer quelques minutes. Décidément, quelle nuit étrange. Elle finit par s’assoupir. Seulement quelques instants pensait-elle. Lorsqu’elle se réveilla, elle avait bien chaud. Elle ouvrit les yeux et sentit quelque chose de doux sous sa main. Elle se releva légèrement. Un petit chat gris. Une joie immense l’envahit. Enfin, elle avait trouvé un de ces fameux chasseurs de lutin. Elle se releva encore, le chat toujours sur ses genoux. Elle le caressa, il ouvrit un œil puis le deuxième, s’étira et finit par s’asseoir en la fixant.

« Petit chat gris », demanda-t-elle, « Sais tu où sont les lutins de nuit ? »

Le petit chat lui lécha la main puis se leva et sauta en bas du banc. Debout, il semblait l’attendre. Adela se leva à son tour et suivit le petit chat. Puis finalement, dans une ruelle obscure, ils descendirent un petit escalier menant à une cave voûtée de pierre grise. Le petit chat s’assit devant la porte. Adela ouvrit.

On dit que la nuit tout les chats sont gris. Adela savait maintenant qu’il ne s’agissait là que d’une demi-vérité. Car à l’intérieur des petites caves, les créatures de la nuit se rassemblent et pendant que nous dormons, elles se jouent de l’existence des humains. Elle distingua au fond de la salle la silhouette du costaud. Puis elle comprit qu’on s’était moqué d’elle. Sur des chaises étaient assis de multiples créatures, des chats gris ou d’autres couleurs, des petits chaperons rouges, des démons et aussi de petites créatures, qui elle le comprit vite étaient ses fameux lutins de nuit. Adela avait du mal à croire que des chats gris puissent cohabiter avec leur nourriture préférée…

D’autres ressemblaient à des humains, sauf que leur queue de poisson dans une baignoire trahissait rapidement leur vraie nature….

La jeune fille de la fontaine lui souhaita la bienvenue. Elle lui dit que face à son acharnement les créatures avaient décidé de se révéler.

« C’est un honneur », lui dit-elle. Néanmoins, cet honneur a un prix, puisque nous, créatures de la nuit, n’admettons pas d’humains au sein de notre clan ».

«  Mais je suis humaine » répondit Adela.

« Nous l’avions remarqué, fit la jeune fille. Dorénavant, tu seras créature de la nuit puisque tu l’aimes tant, n’était ce pas ton vœu le plus cher de ne vivre que dans les ténèbres ? Etais-tu assez naïve pour croire qu’il n’y aurait aucun prix à payer pour vivre dans l’obscurité déjà habitée ? »

 Les visages des créatures étaient maintenant menaçants. Des crocs luisaient dans la lumière et des grondements commençaient à s’élever, des yeux jaunes la scrutaient et les visages si agréables des sirènes devenaient disgracieux. Tous étaient suspendus aux futurs paroles qu’elle allait prononcer.

 

24 février 2012

Une première histoire !

Je me réveille dans l’obscurité, allongée sur le bitume. Mes yeux contemplent des petits points lumineux. Avec un peu de retard, je réalise que ce sont les étoiles. Je me lève. Une voix me demande comment je vais, je me tourne dans sa direction. Mes deux amis sont là eux aussi. Je me rappelle… nous étions allés boire un verre tous ensemble au bar.

Je scrute les alentours, le quartier ne me rappelle rien. Je ne me sens pas rassurée. Comprenant mon malaise, mes deux compagnons me prennent par la main. Je les remercie d’un signe de tête. Cela ne sert à rien de rester sur place, il nous faut trouver où nous sommes. Peut être que l’obscurité modifie notre jugement et que nous ne sommes pas si loin de chez nous. Nous avons pu abuser au bar et nous être égarés.

Leurs mains me transmettent une douce chaleur. Alors que nous marchons, les ruelles me semblent familières. Un ancien sentiment ressurgit. La nostalgie de cette contrée si chère à mon cœur. L’envie de voir à nouveau ses monuments et de me promener entre ces architectures uniques au monde apparaît.

Un étrange sentiment m’envahit, un sentiment de déjà vu, datant de plusieurs années. Je sens un  nœud se former dans mon ventre. Je connais cette sensation, il n’y a qu’une seule chose qui peut la provoquer. C’est « Elle ». Elle, qui me hante tant. L’Egypte et ses mystères qui me tiraillent dès que je les évoque.

Je l’annonce aux garçons. Mais comment peuvent-ils me croire ? Je leur montre alors les petits détails qui leur échappent dans la nuit. L’architecture est caractéristique des pays du Moyen Orient, nous voyons les maisons qui s’élancent vers le ciel, avec leurs toits terrasses. La ville est tentaculaire, de multiples ruelles de croisent. On distingue les bibelots pour touristes au travers des rideaux mal fermés des boutiques. Statues, papyrus. De nombreux étals sont présents, vides et branlants. Malgré le calme qui règne, il reste de fortes odeurs d’épices qui nous titillent les narines. Le Caire et ses souks apparaissent dans l’ombre, menaçants.

Le moindre bruit nous fait sursauter et mon cœur s’emballe. Je revoie la ville dans mes souvenirs, le jour et la majeure partie de la  nuit, c’est une métropole très agitée. Il doit être particulièrement tard.

Je devine les questions qui se multiplient dans l’esprit de mes amis. Pourquoi ? Comment ? Mais aucun d’entre nous ne possède la réponse. Ils réfrènent leurs angoisses, afin de ne pas me les transmettre. Ils pensent qu’ils doivent me protéger. Il est trop tard de toute façon, je suis déjà morte de peur et nous tremblons tous intérieurement.

Alors nous continuons, toujours soudés ; nous formons une drôle de chaîne. Je frissonne, ma tenue est bien légère face au froid de la nuit. Un tee-shirt, un jean et une paire de bottes. J’essaie de ne rien laisser paraitre, pourtant mon malaise grandit et ma nervosité aussi. Un bruit attire mon attention, il y a quelque chose au bout de la ruelle derrière nous, dans l’obscurité.

Peu à peu une silhouette se dessine, elle se rapproche et le peu de lumière me laisse entrevoir un cavalier. Immobile, il nous regarde. Je suis déjà allée au Caire, et je sais que les équidés sont des montures encore classiques dans cette ville. Mais dans mes souvenirs, il s’agissait surtout d’ânes, pas de chevaux….

Cet homme cherche quelque chose. Il ne détourne pas le regard de nous, il donne l’impression d’avoir trouvé ce qu’il désirait. Il avance, le bruit des sabots résonne comme une menace imminente. Puis tout s’accélère. Il fonce droit sur nous. Le bruit du cheval semble ralentir le temps. Il faut partir, il faut courir, je le crie aux garçons. Nous nous élançons dans une ruelle de côté. Quand surgit un autre cavalier devant nous.

Dans la panique nous nous séparons. Il ne faut pas se retourner, perte de temps. Heureusement je retrouve l’un de mes compagnons lors d’un croisement. Il décide de rester pour attirer le cavalier. Je plonge mon regard dans ses yeux, si verts, si profonds. Je vois le cavalier se diriger vers lui. Puis je m’élance de mon côté.

J’entends mon autre compagnon qui m’appelle. Ne crie pas, me-dis-je, ne crie pas où ils vont te trouver. Je me dirige malgré tout vers sa voix, en mesurant l’ampleur du risque que je prends.

Nous nous retrouvons finalement, je lui prends la main et nous fuyons dans ce labyrinthe. Mais nous continuons de les entendre où que nous allions. Le bruit de leurs montures et de leurs cris dans une langue inconnue résonne dans les ruelles étroites.

J’ai l’impression que mon cœur va exploser, je n’ai plus de souffle. Je ralentis mon compagnon. Comprenant mon état, Fred nous engouffre dans une ruelle encore plus sombre que les précédentes. Avec un peu de chance, nous passerons inaperçus. Je tremble. Il me caresse les cheveux en un geste apaisant. Je lui suis reconnaissante et serre plus fort sa main. Je me tourne vers lui mais mes yeux voient plus loin. Le mystérieux cavalier, le premier, avec son allure si fière nous a vus.

Voyant la stupéfaction s’inscrire sur mon visage, Fred me demande s’il est là. Je hoche la tête. Je tremble, je tremble si fort, mes mains sont glacées. Que faire ? Fred me chuchote qu’il va sortir et qu’il faudra que j’en profite pour monter sur l’échelle de secours juste à côté de nous. Les toits sont plats, j’aurais peut être ainsi la chance de leur échapper. Alors qu’il s’apprête à se lancer, je l’arrête, le contemple et l’embrasse brièvement. « Pour la chance » lui dis-je. Mensonge, c’est moi qui ai besoin de ce baiser pour me rassurer. Il part et je m’élance sur l’échelle. Un instant surpris, le cavalier comprend rapidement le but de la manœuvre et crie des ordres à ses compagnons. Je grimpe aussi vite que je peux. Le toit est plat, je peux courir, encore… mais des ruelles séparent ces terrasses providentielles. Je m’arrête à la bordure et risque un coup d’œil dans mon dos. Il est là, derrière…..

Il faut que je saute, mais j’ai si peur. Je recule, prend une profonde inspiration et m’élance. J’atteins l’autre côté de justesse et me hisse rapidement sur le toit suivant. Je me suis égratignée les mains en me rattrapant sur la bordure. La douleur augmente ma conscience du danger. Je me retourne et je le vois qui s’élance à son tour. Il s’est décidé bien plus vite que moi. Je repars mais pas bien loin. Un autre bond m’attend. J’avise une échelle de secours, opportunité plus séduisante qu’un nouveau saut improvisé avec mes mains abîmées.

Seulement, dans ma précipitation, je n’avais pas distingué le cavalier en bas. Belle négligence ! Idiote que je suis, j’aurai du prendre au moins quelques secondes pour scruter les environs. Pas le choix, je suis dans une impasse. Je fonce vers lui, sur le cheval il sera moins prompt pour m’attraper. Je fais un écart, sa monture recule, renâcle, et je m’engouffre dans la brèche. Vite, il faut aller toujours plus vite. J’entends le cheval qui se rapproche, le bruit de ses sabots se fait plus net de secondes en secondes. Je peux presque sentir son souffle tiède dans mon cou. Je bifurque à chaque nouvelle ruelle pour tenter de le semer mais je l’entends de plus en plus. Ce bruit m’obsède.

Soudain, je sens que je ne touche plus le sol, je pousse un cri de surprise. Mon cœur s’affole. Je me retrouve couchée sur un cheval. Le temps que je reprenne mes esprits, il s’est arrêté. Je me débats vainement contre la poigne de fer qui me retient. Je me contorsionne et parvient à me tourner du côté de mon agresseur.

Les yeux me piquent, je cligne plusieurs fois afin d’en effacer la fatigue et  je parviens enfin à distinguer son visage. Un visage fier, carré entouré par une chevelure noire qui s’échappe de sa coiffe. Un fine barbe entoure sa bouche et ses yeux bleus brillent à la faible clarté des réverbères. Plus surprenant encore sont les tatouages sur son front : des hiéroglyphes. Je ne peux m’empêcher de chercher dans mon esprit leur signification. Il fut un temps où je m’étais lancé dans leur découverte.

On me fait descendre et je constate qu’ils sont nombreux. Plus loin j’aperçois mes deux compagnons, aucun n’a l’air d’être blessé. Des ordres sont donnés, et on nous hisse chacun derrière un cavalier. Notre cortège se met en marche. Nous nous jetons des regards inquiets, nous ne comprenons pas. Je suis au bord de la crise de panique, je veux disparaître loin d’ici, malheureusement je ne peux rien faire contre ce qui est en train d’arriver.

La ville est maintenant derrière nous, ses lumières s’estompent.

Le désert… nous sommes dans cette immense étendue de sable, il nous est impossible de savoir où nous nous rendons. Pendant ce qui me semble des heures, nous pataugeons dans cet océan et je finis par m’assoupir. Des voix me réveillent, il semble que nous ayons atteint notre destination : un campement. Des femmes aux voiles transparents nous accueillent et nous mènent dans différentes tentes. Et toujours pas d’explication.

La tente est grande, la chaleur accueillante, de même que les tapis et les coussins. Les femmes m’entraînent au fond, devant un bain. Elles veulent me déshabiller mais je les repousse violemment, je n’ai jamais été très tactile. Les efforts fournis pendant la course et la fatigue qui en résulte se font sentir, et je m’agrippe à la baignoire pour ne pas tomber. L’une des femmes se rapproche, je lui fais signe de partir. Elle semble comprendre et s’éloigne. Je tire sur le rideau faisant office de cloison, me déshabille et entre dans l’eau chaude, bien trop attirante pour qu’on puisse y résister après une épopée dans le désert. Je me laisse sombrer, la fatigue et la chaleur anéantissant tous mes efforts pour rester éveillée.

Je reviens à moi dans une eau tiède, je me sèche vigoureusement afin de me réchauffer et cherche mes vêtements. Ils sont introuvables. Mes yeux tombent sur un tout autre type de tissus : une robe comme celle que portent les autres femmes, mais plus gracieuse et de meilleure qualité. Noire, brodée de perle, en dentelle presque transparente, laissant apparaitre mes bras et mes jambes nues.

Je veux sortir, les femmes tentent de m’en empêcher, mais leurs protestations sont faibles, elles ne comprennent pas. Je m’agite et finalement parviens à mes fins. Je suis arrêtée net dans mon élan. Leur chef, mon cavalier, est à quelques mètres et me regarde. Je l’ai inopinément interrompu dans une discussion avec ses hommes. Ils ont maintenant les yeux rivés sur moi. Et lui, me détaille comme un animal. Cette lueur dans ses yeux me déplaît. Je reste ainsi, paralysée en réalisant ce que je porte réellement et sentant la gêne monter en moi. Cet homme semble si froid, ses yeux sont comme deux blocs de glace. Puis il fixe avec une rage contenue les femmes agglutinées devant l’entrée de ma tente, prises en faute. Il retourne à sa conversation et puisqu’il ne prête pas attention à moi et semble sûr que je n’irai pas loin, je décide, malgré la peur qui me tenaille, de rechercher mes compagnons et d’explorer le campement. J’ai l’impression qu’il continu de me suivre du regard, puis j’entends un de ses lieutenants l’appeler. Il s’appelle Seker.

Marcher dans le sable m’épuise plus vite que je ne le pensais. Je m’assois et contemple les étoiles. J’essaie vainement de trouver des explications à ce qui nous arrive. J’imagine des scénarios tous plus improbables les uns que les autres. Je dois avoir trop d’imagination, ils veulent peut être simplement de l’argent, une rançon. La télévision montre si souvent ce genre de scénarios.

Sa voix me tire de mes spéculations bien hasardeuses.

«  Suivez-moi ». Le ton employé me suggère qu’il ne tolèrera aucune réplique de ma part.

Au moins, je sais qu’il parle notre langue….

Il me demande de l’accompagner. Que veut-il donc ?  Je panique, et imagine les pires choses, il va me violer ou s’en prendre à mes compagnons. J’ai envie de pleurer. Comme je ne réponds pas, il me dit qu’utiliser la force ne lui pose pas de problème. Il faut que je me reprenne, je sens mes jambes qui commencent à céder. Il me mène dans une tente dans laquelle je retrouve mes compagnons de voyage. La question qu’on nous pose nous prend tous au dépourvu, nous mettons quelques secondes à comprendre.

Il nous demande de nous déshabiller et de regarder notre corps en nous désignant des paravents auxquels nous n’avions pas fait attention. Nous ne trouvons rien pour protester. Et surtout, je n’ai aucune envie de me retrouver nue devant ces brutes.

Je me dirige vers la protection de bois finement ouvragée et commence mon inspection. C’est alors que je la vois. Elle est si petite que je ne l’avais pas remarquée. Cette minuscule croix Ankh au milieu de ma poitrine. Mon esprit se brouille et j’ai du mal à réfléchir correctement. Je n’ai jamais été chez un tatoueur, du moins consciemment. Dois-je leur dire que je suis la personne qui porte le tatouage qu’ils recherchent ? J’entends les autres sortir. Si je tarde, j’éveillerai encore plus leurs soupçons. Je sors et tous les regards convergent vers moi. Je lis de l’incrédulité sur les visages. Seker me demande de lui montrer. Que faire ? Devant mon silence, il s’approche, menaçant. Je baisse les yeux, grossière erreur. Il comprend où est le tatouage qu’il recherche. Il pose les mains sur mes épaules et déchire la robe. Je ne peux retenir un cri et tente vainement de rassembler les lambeaux sur ma poitrine. Toutefois, c’est trop tard, il l’a vue. Il murmure quelque chose d’incompréhensible. Le ton est menaçant, il laisse soupçonner une colère froide. Mon corps se glace. Il fait signe aux hommes présents et on m’emmène sans explication. Les garçons tentent d’en demander mais on les écarte sans ménagement.

 

Je m’appelle Seker. Je suis le chef de la plus grande tribu des Gardiens. Et aujourd’hui, je suis face à une situation sans précédent. Jamais dans toute notre histoire nous n’avons entendu parler d’un guerrier de sexe féminin.

Je dois réunir le Conseil des Anciens. Nous allons devoir réfléchir à ce que nous devons faire. Je demande à l’un de mes hommes de préparer les faucons, afin qu’ils transmettent la convocation.

Pendant que je rédige le message, je me rends compte que ses compagnons détiennent peut être une information qui m’aiderait à comprendre la situation, et à en savoir plus sur cette fille.

Lorsque les garçons me voient approcher, ils font silence. Je leur pose mes questions. Qui est-elle ? A-t-elle quelque chose de spécial ? Face à l’obstination muette de mes interlocuteurs, je sors mon sabre et le pointe sur le cœur de l’un d’entre eux. Il me fixe, il y a de la volonté dans ce regard. J’appui plus fort, sa chemise se teinte de rouge. Il ne cède pas. Continuer sur cette voie ne m’apportera rien. Je décide alors de leur raconter la vérité, et leur explique que s’ils m’aident, ils épargneront bien des souffrances à leur amie. Peu importe que ces étrangers me croit, j’ai besoin d’informations.

Je leur dévoile que nous ignorions lequel d’entre eux était l’élu, et que c’est la raison pour laquelle nous les avons enlevés tous les trois.

Cependant, Fred sent que je ne lui ai pas tout dit. Il me demande s’il y a un problème.

Je hoche la tête et lui répond dans notre histoire nous n’avons jamais eu d’Elu de sexe féminin.

Les deux garçons affichent un air surpris. Ne leur laissant pas le temps de m’interroger plus avant, j’enchaîne en leur posant des questions. Je sais désormais qu’elle s’appelle Adela, que cela fait longtemps qu’elle s’intéresse à l’Egypte et que rien de spécial ne s’est passé autour d’elle par le passé.

Finalement ils ne savent pas grand-chose. Je prends congé.

Le lendemain, les premiers membres du conseil des anciens arrivent. A l’heure de midi il est  au complet.

Après plusieurs heures de discussions, le conseil  opte pour une solution radicale. Transférer les pouvoirs de l’élu à une personne plus apte, à savoir un homme : Moi. Cette solution ne me satisfait pas totalement. Au regard de tout les principes qu’on m’a inculqué, il me pose problème. Notre serment nous lie à la décision des dieux. Ce ne sont pas les décisions des dieux que nous devons combattre. Cette femme possède le signe de l’Elu. Mais cette histoire de sexe pose des problèmes essentiels : comment inculquer à une femme des techniques de lutte destinées aux hommes ? Je ne parviens pas à imaginer cette fillette au centre d’un combat, les mains pleines de sang, manipulant une épée aussi lourde qu’elle.

Je tente d’exposer mon opinion, mais le conseil l’a balaye. Si moi-même, je ne parviens pas à visualiser cette fille en Elue comment les membres de ce conseil aux opinions bien plus tranchées que les miennes le pourraient-ils ? Les traditions sont notre bien le plus précieux, malgré cela je suis conscient que les temps changent et que certaines choses ne sont pas immuables. Certains membres me traitent de naïf. Des sabres sortent de leur fourreau et il s’en faut de peu que notre honneur se tâche de sang. En effet, il est hors de question qu’on me manque de respect. Ils savent que je ne le tolère pas. Finalement, l’un des membres nous rappelle que nul combat n’est toléré lors des réunions du conseil.

En dépit de mes opinions, je ne peux qu’accepter la décision du conseil puisqu’elle est adoptée à la majorité. Mais comment vais-je expliquer à la jeune fille la situation ? Et quelle sera son attitude lorsque le conseil la recevra ?

 

Atterrée. Oui c’est bien le mot qui me vient à l’esprit. Peu à peu les paroles de Seker m’apparaissent dans toute leur ampleur. Je déglutis. Ainsi, je serais une élue. Raison pour laquelle ils nous ont pourchassés comme de vulgaires lapins à travers tout le Caire.

Et voilà qu’il me dit que je suis une femme et que ce n’est pas …. Normal ! Qu’ils vont prendre mes pouvoirs afin de les transmettre à une personne plus apte !

Je lui dis qu’il est fou. Il me répond que suivre un entraînement d’élu quand on est un homme est déjà difficile, alors quand on est une femme…. Il me dit qu’il m’épargne des souffrances inutiles. Prendre la vie est une épreuve difficile, et lorsqu’il faut choisir entre sa vie et celle de l’autre, la moindre seconde d’hésitation est fatale. Il s’approche et je le préviens de ne pas me toucher. Je sens la colère monter en moi. Je ne comprends pas, comment le pourrais-je ?  Je lui demande comment des dieux peuvent se tromper d’élu ! Comment peut-il porter le titre de Gardien s’il ne croit plus en l’ancienne religion ? Qui est-il pour juger qui doit être élu ? Il n’est pas digne de son titre. Je vois une fureur contenue dans ses yeux. Il ne supporte pas qu’on lui manque ainsi de respect. Malgré tout il ne réplique pas, il se contente de me fixer avec dédain. Il attend que je finisse mon pauvre discours.

Finalement il tourne les talons, m’informe que le conseil me rencontrera ce soir. Et que ses membres ne seront certainement pas aussi patients que lui.

Je le hais, ma fureur m’étouffe, si j’en ai le pouvoir, je crois que je les massacrerais jusqu’au dernier.

 

Je m’avance dans la grande tente en essayant de faire taire la peur qui m’envahit. Je respire lentement, et tente de vider mon esprit de l’angoisse qui l’assaille. J’ai les mains glacées et malgré la chaleur qui règne je ne parviens pas à les réchauffer. Je sens leurs regards sur moi. Ils m’étudient. Certains sont concupiscents, d’autres impitoyables. Je suis coupable d’office. Ils ne me laisseront pas la possibilité de plaider ma cause. J’essaie d’être indifférente. Dire qu’il est assis à côté de ces vieillards immondes.

L’un d’eux me demande mon nom. Face à mon silence et mon air insolent, il se dirige vers moi. Il me pose à nouveau sa question. Devant mon refus de parler, il me saisit durement le bras et commence à le serrer. Une trace rouge commence à se former, ses ongles s’enfoncent dans ma chair. Je ferme les yeux un bref instant.

« Cela suffit » avertit Seker. « Allez vous frapper une femme ? ». Mes yeux se rivent sur lui. Je suis surprise par son intervention. L’autre me lâche et retourne à sa place.

En dépit  de son initiative, je comprends qu’il ne fera rien de plus pour me défendre, sa mission est sa priorité. Finalement lui et moi nous nous ressemblons. Dans mon autre vie, je faisais toujours passer mon travail avant toute autre chose. Je sais alors que je suis seule, personne ne viendra pour m’aider. Seule pour faire face à toute une tribu. Puis peu à peu les regards se détournent et je les entends débattre, sans même comprendre les horreurs qu’ils peuvent dire, et moi je dois rester là, au centre de leur cercle, attendant leur bon vouloir. Mon dos me fait souffrir, si seulement je pouvais m’asseoir un instant, mes yeux piquent, les effets de la tension qui m’entoure se font sentir.

Finalement, le silence recouvre l’assemblée, je sens qu’ils ont pris leur décision sans savoir de quoi il s’agit réellement. On me ramène dans ma tente. Une question me lancine. Quand vont-ils prendre mes pouvoirs ? Comment cela va-t-il se passer ? Le conseil voulait simplement me jauger, pas une fois je n’ai pu me défendre. Ils voulaient certainement débattre une dernière fois afin de mettre au point le moyen le plus sûr pour me priver de mes pouvoirs.

Une fois dans la tente, je m’écroule sur le lit. Et mon sommeil se peuple alors de songes étranges, dont il ne restera qu’une vague sensation au réveil.

La chaleur me réveille. Je sors et laisse les rayons du soleil du matin me réchauffer. J’aime sentir son rayonnement sur mon visage. Je vois les hommes en train de marchander avec une caravane. Un chat vient réclamer quelques caresses. Je souris, j’adore les chats. Si indépendants, si beaux… Celui-ci possède des yeux verts émeraude. Je le prends dans mes bras et ses moustaches me chatouillent, son pelage couleur sable est doux et son ronronnement apaisant. Comme s‘il cherchait à me dire que tout ira bien, que tout ceci n’est qu’un cauchemar qui finira bientôt. Je le dépose par terre. J’ai besoin de voir mes compagnons, d’entendre des voix connues et rassurantes. Le chat me suit. Je les aperçois devant l’entrée de leur tente. Ils me font signe, eux aussi sont heureux de me voir. Ils me parlent de ce que Seker leur a raconté et me demandent si je sais pourquoi il y avait autant d’agitation dans le campement hier. Je mens, je leur réponds que je l’ignore. Ils ont bien assez de soucis en tête, je refuse les mêler à ma triste histoire. Nous nous asseyons dans le sable, le petit chat vient dormir sur mes genoux. Ils me demandent ce que Seker m’a dit à propos du tatouage. Ils veulent en savoir plus, mais je refuse de leur raconter. La scène me revient en mémoire, l’affliction qu’elle me cause est encore trop douloureuse. Je dévie la conversation sur des sujets plus anodins, des choses que nous avons vécues ensemble puis je leur raconte mon premier voyage en Egypte, sa splendeur, ma passion pour son histoire. Ils n’osent pas revenir sur leurs questions. Nous parvenons à sourire, cela me réconforte. Les heures défilent plus vite grâce à eux. Autour de nous le campement s’agite, des hommes arrivent, d’autres repartent.

La lumière décline, on vient nous chercher pour le repas du soir, et je ne sais toujours rien. Pas un gardien n’est venu pour me donner des explications. Je touche à peine à la nourriture, et je vois que mes compagnons s’inquiètent. Mais je refuse de leur dire ce qui m’attend. Puis on nous ramène chacun dans notre tente. Seker entre dans la mienne quelques secondes après, il me fait signe de le suivre. Je ne lui demande rien, je sais qu’il ne me répondra pas.

Il me mène dans une autre tente. Des femmes m’attendent, une odeur d’encens flotte dans l’air, elles tiennent des petits pots dans leurs mains qui contiennent des mixtures noires, dorées, beiges.

Seker m’abandonne parmi elles. J’ai peur mais je ne peux rien faire contre cet enchaînement d’événements. Alors je me laisse faire, la peur au ventre, tremblante comme une feuille. Elles me déshabillent, et commencent à peindre mon corps avec leurs étranges mixtures. Des hiéroglyphes prennent forme, des représentations classiques de l’Egypte ancienne aussi : Isis avec ses ailes, le Ba ou âme, curieux oiseau à tête humaine. Je suis recouverte de tous ces symboles mystiques. On ne distingue même plus mes parties intimes. Je suis telle une statue. Curieusement, lorsque je vois mon reflet dans un miroir, je me trouve belle. Mes cheveux sont tressés, et retenu par des bijoux. Le maquillage de mon visage met mes yeux en avant. Les femmes semblent satisfaites de leur travail. Je sens la peinture qui se sèche, et ma peau se raidir. Deux gardiens viennent me chercher. Je commence à former une carapace autour de mon cœur, être nue devant ces étrangers est un calvaire, heureusement la peinture masque tout.

On m’amène un cheval, et on me tend une cape pour éviter que je n’abîme trop ces enluminures. Les gardiens m’entourent, peut être ont-ils peur que je fuie ? Mais où irais-je ? Je les suis et nous parvenons dans un endroit que je connais : la Vallée des Rois. Un désert montagneux, avec de nombreuses grottes abritant les tombes des anciens rois et reines. Nulle végétation ne pousse ici. Nous nous arrêtons pour continuer à pied. Des feux éclairent notre chemin. Le lieu du rituel est délimité par un cercle de bougie. Au centre, deux anciens piliers, je distingue encore les anciens hiéroglyphes qui les ornent. Et puis mes yeux se posent sur les chaines. Deux chaînes incrustée chacune dans un des piliers, avec des bracelets. Je sens mes jambes trembler, j’ai l’impression que je vais m’évanouir d’une seconde à l’autre. Je ne sais dire s’il vaut mieux que je sois consciente ou inconsciente. On me pousse et j’avance machinalement vers ma scène de torture. On m’attache alors les poignets avec les chaînes.

 

Mes yeux ne peuvent quitter son corps maquillé. Je la trouve magnifique. Elle s’avance et j’ai l’impression de voir une véritable déesse. La lumière de la lune renforce cette impression. J’étais parvenu à faire taire le doute qui s’est insinué en moi lorsque le conseil avait pris sa décision. Mais plus j’y réfléchis plus je sens que nous faisons une erreur. Je me reprends, il est trop tard pour penser à cela, le processus est désormais enclenché. Un reflet fugitif attire mon regard. Deux yeux verts me scrutent.

C’est à mon tour d’avancer, je n’ai aucune hésitation. Mon clan assume la lourde tâche de protéger ce pays contre les démons créés par la magie des prêtres de l’Egypte ancienne. Or, il arrive que les sceaux cèdent face aux forces de ces créatures, et que les constructions qui les emprisonnent s’écroulent avec le temps. Pour faire face à ce danger, un clan fut créé et spécialement entrainé aux anciennes techniques de protection occultes : le clan des gardiens, que je dirige actuellement. Nous existons pour pallier les faiblesses des prêtres, et à l’origine pour les protéger lors des rituels sacrés. Malgré les siècles, nous sommes demeurés fidèles à notre mission. Chaque enfant deviendra un jour un gardien, afin de préserver l’équilibre des forces. Par ailleurs, les anciens dieux, conscients du danger que représentent ces créatures ont créés une dernière barrière lorsque notre art s’avère insuffisant : un homme investi d’une partie des pouvoirs d’un Dieu dit de « tutelle ». Chaque Elu est protégé par un dieu différent. Notre mission est de développer ses capacités au combat et de l’aider à maitriser ses pouvoirs.

Je sens son regard sur moi et le cherche. Je le vois qui s’avance vers moi. Il est torse nu, lui aussi est recouvert de peintures mystérieuses. Malgré tout, ces dernières ne cachent pas sa musculature de guerrier. Il se rapproche, telle une menace, un oiseau fondant sur sa proie, un oiseau magnifique. Je ne peux m’empêcher de le trouver séduisant. Pensée alternative qui me détourne un cours instant de la panique qui broie de plus en plus ma raison et mon cœur.

Son visage est à quelques centimètres du mien. Ses yeux sont magnifiques sous les reflets de lune. J’ai l’impression que ce n’est qu’un rêve. Que je vais bientôt me réveiller. Il pose sa main sur mon front et commence à psalmodier dans une langue que je ne connais pas. Puis brusquement, la douleur. Je crie. Il est dans mon esprit. Je sens comme un tentacule qui fourrage à l’intérieur de moi, je vois des images défiler, des choses que je ne comprends pas, des rituels antiques, des créatures monstrueuses. Comme si une mémoire autre que la mienne s’était réveillée. J’ai l’impression qu’on scrute ma personnalité, qu’on cherche mes secrets, tout ce que je suis. Et cette douleur, j’ai l’impression qu’on me viole. Un viol mental. J’ai la sensation qu’il n’enlève enfin sa main qu’au bout de plusieurs heures. Mon esprit est broyé. Je n’ai plus de souffle. Je sens ma raison qui vacille. Mes jambes ne me portent plus, seules les chaînes me maintiennent un tant soit peu debout. Je finis par perdre conscience.

Lorsque je l’entends crier, je détends légèrement ma prise, surpris. Je ne parviens pas à mesurer la souffrance que je lui cause. Et pourtant je continue. J’ai besoin de ses pouvoirs pour protéger mon peuple. Des images inondent mon esprit, des courants électriques pénètrent mon corps. Des images, des connaissances semblent s’incruster en moi.

Puis plus rien. Je retire ma main. Elle tremble, la souffrance se lit encore sur son visage, c’est à peine si elle tient debout. Je vois ses yeux perdre peu à peu de leur éclat, elle perd conscience. Seules les chaînes la retiennent. Je m’approche et la détache, elle tombe dans mes bras. Je la porte jusqu’aux montures, le silence règne, tous les regards sont tournés vers moi, le nouvel élu, et pas un ne se pose sur elle. Ma conscience s’agite. Qu’ai-je fait ? J’ai abusé d’une femme pour une question de pouvoir. Une femme… elle est si légère dans mes bras, mes mains chaudes ont effacé quelques unes des peintures, mais pour moi, elle conserve cet aspect qui m’avait un instant rendu perplexe au moment du rituel. Cet aspect de Déesse et de véritable élue.

Le rituel s’est déroulé il y a trois jours. Elle n’a repris connaissance que depuis quelques heures, hantée par une forte fièvre. J’ai le plus grand mal à refuser l’accès de la tente aux deux garçons. Je prétexte qu’il ne faut pas qu’ils attrapent la fièvre eux aussi, mais je vois bien dans leurs regards qu’ils savent que je leur mens.

Tout le campement est en ébullition. En effet, il semble que tout ne ce soit pas déroulé comme nous le souhaitions. Les pouvoirs que je suis censé posséder ne se réveillent pas. Ce n’est pas normal. Je ne me sens pas différent malgré le rituel. Le conseil des anciens ne sait qu’en penser. Mais tous sentent que la décision prise était une erreur, néanmoins jamais ils ne se l’avoueront. Le rituel a échoué. Pourquoi ? Je ne cesse de me poser la question. Puis un détail me revient. Un détail auquel je n’avais pas prêté attention, ce chat, oui ce chat et ses yeux vert émeraude qui m’avaient scruté alors que je m’avançais vers la jeune fille.

Et là, les pièces du puzzle commencent à se rassembler, chaque élu possède son dieu de tutelle, et cet élu est une femme, or le chat n’est-il pas le symbole de la déesse Bastet ? Déesse du foyer, et qui mieux qu’une femme pouvait la représenter.  Comment ai-je pu être aussi aveugle et ne pas faire le lien ? Comment ai-je pu douter du choix d’un élu ? Présomptueux il a été lui et le conseil.

On l’appelle, une des femmes de la tente lui explique qu’il y a un problème. Elle s’est réveillée.

Je la suis et entre dans la tente. Il y règne une atmosphère noire, qui me saisie à la gorge. J’aperçois enfin la jeune fille. Elle s’est réfugiée dans un coin de la tente, elle est assise, les bras entourant ses genoux, comme prostrée. Une aura sombre l’entoure, mes poils se hérissent, une aura de haine, de peur et de souffrance. Elle relève la tête et me regarde. Ses yeux sont devenus noirs, comme la colère qu’elle porte contre nous, contre le clan tout entier. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas connu la peur. Lorsque je la vois ainsi, je sais que si elle décide de me tuer je ne pourrais rien faire. J’ai le sentiment que mes actes ont engendrés une des créatures que nous combattons depuis des siècles. Cependant, comment une élue de la Déesse Bastet a-t-elle pu devenir aussi noire ? De plus, comment une Déesse du foyer aurait-elle pu les aider dans leur combat ? Alors que je me pose la question, une autre pièce du puzzle se met en place. Je me rappelle, que dans les textes anciens, il est raconté que Bastet possède une double personnalité. Elle est à la fois Bastet, Déesse du foyer mais aussi Sekhmet Déité guerrière. Toute la haine et la souffrance qu’Adela à connu a réveillé les pouvoirs de la terrifiante Déesse. Une terreur sourde monte en moi. N’est-elle pas la divinité qui faillit anéantir la race humaine ?

Je repars, et en informe le conseil. Je vois la panique sur leurs visages, chacun rejetant la responsabilité du rituel sur l’autre. Et là je vois que ce conseil n’est qu’arrogance et qu’il a oublié les anciens préceptes dont on nous berce depuis notre enfance. Dorénavant, comment pourrons-nous convaincre l’élue de nous aider. Nous l’avons détruite. Notre arrogance l’a détruite. C’est un miracle qu’elle ne nous ait pas déjà tous anéantis.

Je dois prendre mes responsabilités. Tout ceci est aussi ma faute. N’est-ce pas moi qui lui ai infligé cette souffrance ?  Je retourne sous la tente. Elle est toujours au même endroit, dans la même position. Je m’approche mais c’est comme si une force m’empêchait d’aller plus avant. Non, je dois arriver jusqu’à elle, je dois lui faire comprendre que nous avons commis une erreur, que je suis allé trop loin. Mes muscles se tendent et je parviens devant elle. Je m’agenouille. Et je lui propose un marché. Ma vie contre sa protection. Je n’arrive pas à soutenir son regard noir, si ténébreux et détourne les yeux. Je suis persuadé qu’elle va refuser et me tuer sur place.

Sa voix s’élève dans l’obscurité.

« Ta vie ne vaut rien, tu n’as pas su accomplir ta mission de gardien, tu t’es contenté d’être un pion au service d’un conseil qui depuis longtemps a perdu la croyance en nous autres anciens Dieux. Ce n’est pas ta vie que je souhaite, mais celle du conseil. Eux seuls sont responsables. Alors seulement je rendrai la raison à mon élue. Et c’est elle qui décidera si elle accepte de protéger ton clan inutile »

Cette voix est désincarnée et semble sortir du néant. Comment pourrais-je promettre la vie du conseil ? La décision ne m’appartient pas. Elle relâche la tension autour d’elle afin que je transmette son message. La vie du conseil contre celle de l’humanité, n’avons-nous pas fait de même ? Une vie contre le pouvoir de protéger l’humanité.

Lorsque j’annonce le marché, je vois les anciens qui se divisent. Au bout de quelques heures, le campement se vide. Tous des couards. Seuls quatre sont restés, ils admettent leur faute. Ils souhaitent que la Déesse leur accorde un peu de temps pour former la jeune fille si cette dernière l’accepte, en guise de maigre repentir. De nouveau je m’engouffre dans cette tente maudite, je lui annonce la nouvelle. Elle se lève et me suis à l’extérieur. Les quatre anciens nous attendent et s’agenouillent. Elle se tient majestueuse dans la lumière du soleil. Je m’aperçois qu’elle est toujours nue mais aussi que les peintures se sont transformées en de véritables tatouages. Ma gorge se serre. Elle regarde les anciens, leur vie est entre ses mains, mais sera-t-elle suffisante ? Trop peu sont restés. Une aura noire commence à nous entourer, l’heure des comptes à sonner. Puis elle commence à se diviser et à former des sortes de tentacules. Je frissonne. Je n’ai pas su honorer son marché. Le froid nous entoure. Soudain des visions nous apparaissent. Je vois les autres membres du conseil, ceux qui ont fuis, qui ont refusés d’assumer leurs décisions. Je vois des groupes de lionnes se diriger vers eux. Il y a beaucoup de sang, les membres sont arrachés, et leur cœur s’arrête de battre. Ils ont payés de leur vie le sacrilège qu’ils avaient commis. Pas un ne s’en est sortis. Le pelage des félins est recouvert de sang. Une fois leur tâche achevé, ils se fondent dans le sable puis disparaissent.

Je retiens la bile qui remonte de mon estomac face à ce massacre en règle. L’aura noire qui nous entoure commence à disparaitre. Je lève les yeux. Et je rencontre enfin les siens. Ils sont redevenus humains même si leur couleur a changé. Ils sont mordorés, comme les yeux des félins, mais j’y distingue un soupçon d’espoir. Le soleil l’aveugle, elle met ses mains en visière et nous voient, agenouillés devant elle.

«  Je vous hais tous » furent les premières paroles qu’elle prononça. Elles nous figèrent tous. Les dés sont jetés, nous laissera-t’elle plaider notre cause alors que nous même lui avions refusé ce droit ? Je sens qu’elle a changée, j’ai la sensation qu’il émane d’elle une nouvelle autorité dont elle a conscience.

Je lui demande alors si elle accepte de nous aider, de protéger mon peuple malgré les souffrances que nous lui avions infligées. Je lui dis que nous sommes prêts à expier nos fautes et ferons tout pour obtenir son pardon. Elle me fixe de ses yeux de feu.

Sa question me prend au dépourvu. Pourquoi, pourquoi ne l’ai-je pas aidé, lui ai-je infligé cette souffrance ? Je ne sais que répondre tellement j’ai honte. Mes mains sont glacées et le souffle me manque lorsque je me rappelle la manière dont je l’ai traitée. Alors je dis que dans mon arrogance je n’ai pas cru qu’une femme pourrait remplacer un homme dans sa tâche d’élu, que j’ai porté crédit aux remarques du conseil qui insistait sur ce fait. Que je ne suis pas digne d’être un gardien car je n’ai pas su la protéger et respecter mon serment sacré. Que j’accepterai son châtiment quel qu’il soit.

Elle me répond que dorénavant je serai son gardien jusqu’à ma mort afin d’expier mes erreurs. Lorsqu’elle me dit ça, ses yeux sont si doux… et ses paroles me paraissent tellement irréelles, j’en avais oublié qu’elle est aussi la digne représentante de Bastet.

Lorsque je reviens à la raison, ils ne restent qu’eux. Par l’esprit de Sekhmet j’ai su quel marché avait été passé. Je les regarde, ces hommes, cause de mon malheur. Ils m’ont souillé, arraché ma raison, transformé. Sekhmet me laisse le choix : la vie ou la mort de ces être qui lui ont manqué de respect.  Je sais qu’elle m’a vengée, mais je sens encore de l’amertume en moi. Disparaîtra-t-elle jamais ? Je sens quelque chose de doux contre mes jambes. Mon chat, cher petit chat avec tes magnifiques yeux émeraude. Une douce paix m’envahit, mon esprit se calme et la tension disparaît. Ma mission est de protéger, et même si j’ai souffert, il n’en demeure pas moins que je suis une élue. Ceux qui devaient être punis l’ont été, ceux qui se repentent doivent être mes protecteurs.

Seker doit me former. Je souhaite qu’ils m’apprennent les techniques de combat des gardiens qui viendront compléter les pouvoirs qui me sont inhérents. Ainsi, en cas de défaillance de ces derniers, je ne serai pas inutile. Nous passons des heures dans le sable à nous entrainer. Sans cesse je suis à terre et me relève. Mes bras et mes jambes souffrent, recouverts de bleus et des brûlures du désert. Seker ne m’épargne pas et c’est mieux ainsi, car je sais qu’il respecte les choix que j’ai faits. Il sait que je dois être préparée pour faire face à ces créatures. Peu à peu la distance qui nous sépare s’estompe. Il me fait prendre part à la vie du campement, et à ses décisions. Ses yeux bleus me paraissent plus brillants que pendant mes heures sombres. Un soir je l’ai rejoins dans sa tente et nous sommes devenus amants. Mes compagnons n’ont appris bien plus tard ce qu’il s’était réellement passé. Je leur annonce que je ne veux pas voir de la pitié dans leurs yeux, et que j’ai choisi ma voie. Je reste ici, en Egypte. Après s’être assuré que j’allais bien, ils quittèrent le pays quelques semaines après.

Aujourd’hui, je maîtrise mes pouvoirs. Lorsque les temps sont cléments, j’amuse les enfants du campement en faisant danser une ombre ou une flamme. Et lorsque nous devons combattre, je me transforme. Mon premier combat n’est pas celui dont je suis le plus fier, sans Seker à mes côtés, mes blessures auraient sûrement été plus graves.

Je me rappelle... Un énorme loup, aux yeux rouges flamboyants, une mâchoire prête à me broyer à la moindre intention. Je la fixe. Elle passe à l’attaque. Je sens le pouvoir monter en moi, trop puissant… je ne parviens pas à le contrôler comme je le souhaiterais et finis par le décharger dans le sable devant moi. Il m’aveugle. Je comprends mon erreur. La créature possède un odorat particulièrement développé, le sable n’est qu’un problème mineur pour elle. Je dois retrouver mon calme. Je ferme les yeux et me remémore un chant rituel. Mon esprit s’envole à la recherche de la créature. Je sens le lien ténu qui le relit à mon corps. Je la vois bondir sur moi. Guidez-moi ! Je sens le sang. Elle m’a touchée au flanc. La douleur me rend le contrôle. Je laisse les visions s’emparer de moi, une seule m’intéresse. Le temps semble se suspendre. Je sais, je sais d’où proviendra le prochain coup. Mon corps répond instantanément. Je visualise une lance de brume noire, elle se matérialise dans ma main. Mon bras se détend et l’empale, au même moment, je sens ses griffes me déchirer l’épaule gauche. Mauvais choix, je suis droitière….Essoufflée, ma vision se brouille et je tombe à mon tour.

 Seker m’aide à me relever et me ramène au camp pendant que les gardiens scellent de nouveau l’esprit de la créature.

 

J’ai mis plusieurs semaines à retrouver le contrôle total de mon bras gauche. Et pourtant, je n’avais qu’une hâte, c’était de reprendre l’entraînement. Certes, j’étais destiné à combattre, mais j’avais aussi la volonté de le faire. Je prenais plaisir à cette vie, je défiais ainsi chaque jour tous ceux qui avaient pensé que ma personnalité était trop faible. Surtout, j’aimais cette sensation de remettre en cause des siècles de traditions.

Mon corps a souffert maints fois depuis ce premier combat. Malgré la douleur, je ne regrette pas ma décision.

 

 

9 février 2012

Présentation

Il était une fois une TaGaDa des Bois.....

C'est ainsi que commencent beaucoup d'histoires. Aujourd'hui, j'ai souhaité vous faire partager certains de ces récits. Sortis tout droit de l'imagination d'une TaGaDa des Bois.

Cette petite TaGaDa des Bois souhaiterai que vous preniez plaisir à lire ces histoires, et que vous n'hésitiez pas à lui donner vos avis, qu'ils soient positifs et négatifs. Car c'est ainsi que l'on s'améliore.

Bien à vous!

TaGaDa Des Bois.

 

Publicité
Publicité
Petites histoires d'une TaGaDa Des Bois
  • Une TaGaDa des Bois a décidé de publier ce que son imagination débordante l'obligeait à écrire. Petites histoires et aventures vous accueillent pour oublier votre esprit dans un autre monde.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité